Le mouvement des piqueteros: Argentine 1994-2006

Pour Bruno Astarian:

Présentation

(…) Dans l’histoire mondiale du prolétariat, il n’y a pas d’exemple où l’on ait vu les chômeurs développer une activité propre aussi approfondie et construite que celle des piqueteros argentins. Le chômage, même quand il est massif, est le plus souvent considéré et vécu comme l’antichambre du travail, tandis que le chômeur de la célèbre « armée de réserve » est vu comme un travailleur potentiel plus que comme une figure en soi. Le cas de l’Argentine bouscule ces images. Certes, les piqueteros ne se sont pas privés de demander du travail, ainsi qu’on le verra. Mais la façon même dont ils ont agi et se sont organisés pour défendre leurs revendications les a constitués en un mouvement qui, sans être coupé du reste du prolétariat, s’est développé selon une logique à lui, a inventé des modes d’action spécifiquement adaptés à ses conditions propres. Ce mouvement a en quelque sorte promu une identité que le terme de piquetero revendique et résume, et qui lui donne une place à part dans le prolétariat argentin.

Los desocupados, témpera sobre arpillera. Antonio Berni (1934).

Le terme de piquetero vient de « p i q u e t », au sens de barrage. Dans le cas des chômeurs argentins, il ne s’agissait pas de barrer l’entrée ou la sortie d’une usine, mais de barrer la route et d’interdire la circulation. Dès que le prolétariat manifeste, il perturbe la circulation. Avec les piqueteros, on verra que les choses sont allées bien au-delà d’une simple perturbation, puisque l’arrêt de la circulation a pu durer des jours, voire des semaines. C’est une des particularités du mouvement piquetero. C’est pour comprendre comment un tel mouvement, unique au monde, s’est produit que j’ai voulu décrire d’aussi près que possible ses circonstances et ses actions. Au risque de la répétition (et donc de façon beaucoup plus détaillée que dans les pages consacrées aux piqueteros dans une précédente brochure d’Echanges et Mouvement), j’ai consigné toutes les informations concrètes que j’ai pu rassembler, car je pense que la première chose à faire est de décrire aussi fidèlement que possible ce qui s’est passé. Les piqueteros ont fait l’objet de nombreux commentaires et discussions, mais de peu de descriptions factuelles. Chacun y est allé de son interprétation, mais trop souvent sans donner les faits bruts. Il me semble que le respect élémentaire de ces luttes impose en premier d’en décrire le contenu. C’est la base préalable de toute interprétation, et contribuer à l’établir a été mon souci premier.

J’ai utilisé les sources que j’ai trouvées en France, et des camarades argentins ont corrigé quelques erreurs manifestes. Il en reste sans doute et j’en prendrai connaissance avec intérêt. Pour le reste, j’espère que cette petite étude satisafera la curiosité de ceux qui, comme moi au départ, ont la curiosité de mieux connaître cette forme inhabituelle de lutte qui a rendu les piqueteros célèbres dans le monde entier.

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